Une tradition ancrée dans la vie en pleine conscience
Les gabbehs ne sont pas le produit d'ateliers centralisés ; ils émergent de la vie domestique et pastorale de leurs créateurs. Tissés principalement par des femmes des tribus Qashqai, Lors (Bakhtiari, Boyer-Ahmad et Mamasani) et de la Confédération Khamseh, entre autres groupes nomades, ces épais tapis de laine tissés à la main sont fabriqués à partir de laine durable filée à la main et teintée à l'aide de colorants naturels. Les métiers à tisser, souvent installés dans des paysages ouverts ou des habitations temporaires, permettent un processus créatif ininterrompu où l'environnement du tisserand influence directement le dessin (Tanavoli, 2004).
Plutôt que de suivre des plans stricts, les tisserands de Gabbeh s'appuient sur la mémoire, l'émotion et la narration personnelle. Un tisserand peut représenter un troupeau en train de paître, la silhouette d'une montagne ou des motifs géométriques abstraits ayant une signification symbolique. Les compositions qui en résultent sont souvent minimalistes mais profondément expressives - blocs de couleurs vives, asymétrie ludique et figures à main levée qui remettent en question les normes conventionnelles de conception des tapis.
Le langage artistique du Gabbeh
Chaque Gabbeh est une toile intime où les symboles, les couleurs et les motifs codent des messages. La main du tisserand n'est pas limitée par les exigences du marché, ce qui permet une expression artistique brute et non filtrée. Certains motifs sont récurrents, tels que les animaux, les figures humaines ou les formes arborescentes, chacun d'entre eux étant porteur de plusieurs niveaux de signification. Un arbre isolé peut symboliser la vie et l'endurance ; une figure répétée peut représenter la parenté ou la mémoire. Ces éléments ne sont pas simplement décoratifs : ils servent de repères culturels, reliant les générations grâce à un langage visuel commun.
Les couleurs jouent également un rôle crucial. Elles sont traditionnellement obtenues à partir de teintures naturelles, telles que la vessie, l'indigo, le noyer et la grenade (entre autres). Ces tons riches, souvent terreux, vieillissent gracieusement, conférant aux fils une qualité visuelle dynamique au fil du temps.
Techniques de tissage et sélection des matériaux
La qualité d'un Gabbeh est étroitement liée aux matériaux et aux techniques utilisés pour sa création. Les tisserands utilisent traditionnellement de la laine naturelle provenant de leurs propres troupeaux, qui est soigneusement filée à la main et lavée pour obtenir la texture souhaitée. La densité des nœuds, bien que généralement inférieure à celle des tapis persans urbains, contribue à la douceur et à la durabilité caractéristiques du Gabbeh, créant ainsi des tapis en laine douce. La hauteur des poils varie, souvent laissés intentionnellement épais pour apporter de la chaleur dans les régions montagneuses froides où résident de nombreux groupes nomades. Les irrégularités dans le nouage, les variations dans l'absorption de la teinture et la nature spontanée des motifs rendent chaque pièce unique, renforçant le lien profondément personnel entre le tisserand et son travail (Tanavoli, 2004).